La petite histoire des bois de Pusey
PUSEY dispose de deux bois communaux, l'un situé sur son propre territoire, l'autre sur celui de la commune voisine de CHARMOILLE. Le premier, dit bois de Mont de Mouge, compte 19,41 hectares. Le second, que l'on appelle fréquemment le Grand Bois, mais dont l'appellation cadastrale et historique est "Le Bois de Chenit", est plus vaste, puisque son étendue est de 95,16 hectares. Les promeneurs le connaissent bien, mais connaissent-ils son origine ? Savoir pourquoi la commune de PUSEY possède une forêt à CHARMOILLE est en effet une question que l'on peut se poser. Cette question donne lieu à des réponses diverses, et pour tout dire aussi variées que fantaisistes, comme nous allons le voir. Pour les uns, la municipalité de CHARMOILLE aurait, dans les années difficiles qui ont suivi la Révolution, donné ce bois à celle de PUSEY, car des conscrits de PUSEY auraient été enrôlés volontairement, se substituant à ceux de CHARMOILLE peu désireux d'aller aux frontières affronter un ennemi redouté.
Pour d'autres, ce serait à l'issue d'une partie de cartes victorieuse que la commune de PUSEY serait devenue propriétaire du Bois de Chenit, à la suite, probablement, d'un pari dont on ne connaît que l'enjeu supposé, non pas la cause.
Le registre ouvert le trente messidor an VIII (19 juillet 1800), "pour servir aux délibérations du conseil municipal de la commune de PUSEY" par François Ignace GRANGERET (1), Maire, nous donne une explication qui fait moins de part au rêve : deux délibérations, l'une du dix messidor an X (29 juin 1802), l'autre du vingt fructidor de la même année (7 septembre 1802), la seconde confirmant la première, font état d'un procès intenté à la commune par deux propriétaires de la Montoillotte (il s'agit en fait de deux vésuliens, propriétaires des fermes de la Montoillotte, et non pas des habitants de ce hameau). Ceux-ci voulaient "obtenir part aux futaies des bois communaux en raison de l'étendue des bâtiments de la Montoillotte dont ils sont propriétaires". Rappelons qu'à cette époque les habitants avaient part au taillis pour le chauffage, mais aussi aux futaies pour l'entretien du gros œuvre de leurs habitations ou de leurs bâtiments agricoles. Le Conseil Municipal unanime décide que "la Montoillotte n'aura point de part à la distribution des bois communaux dudit PUSEY" et argumente ainsi pour étayer sa décision :
- Par un acensement (traité) en date du 24 mars 1603, les bois de Cheny (orthographié ainsi à cette époque) et de Mont de Mouge ont été cédés aux habitants de PUSEY par Jean de Beauffremont (2), moyennant une somme principale de 400 francs et une redevance annuelle en grains ; cette concession n'est faite qu'au profit des habitants qui habitent (sic) et qui contribuent aux charges de la communauté. Voici donc de quoi nous renseigner clairement sur les origines de la propriété de nos bois ; mais continuons notre lecture.
- Ce traité a été ratifié d'abord le 28 novembre 1616, l'a été de nouveau le 13 septembre 1633, par cet acte d'approbation, les habitants ont ajouté au premier prix (400 francs), celui de 600 francs (était-ce pour être dispensés de la redevance annuelle en grains ?). Ces actes établissaient clairement, selon la délibération, que pour avoir une portion du bois il était nécessaire de résider dans la commune, le vendeur s'imposait d'ailleurs à lui-même cette clause restrictive. Il fallait donc contribuer aux charges communes locales, ce que ne faisaient pas les habitants de la Montoillotte qui ne payaient que contribution foncière et celle des portes et fenêtres, contributions d’État. Ne payant que ces contributions, ils n'avaient donc supporté aucune part des frais d'acquisition de ces deux forêts.
- par un autre traité, du 12 juillet 1620 cette fois, le même de Beauffremont cédé pour 1 000 francs à titre de fief le domaine de la Montoillotte à Jules Maubouhans. Or, les propriétaires "ont fait réduire en plaine, il y a environ 50 ans, un bois de chênes (3) qui y existait et montre encore de hauts vestiges bien suffisants aux réparations de ses bâtiments. Ce bois est qualifié de bois banal (sic), et il semble qu'avant ce traité le réservant à la métairie de la Montoillotte, les habitants de PUSEY aient pu comme ceux de le Montoillotte y prendre le bois nécessaire à leurs besoins, y compris pour le parcours des animaux. C'est ainsi que l'usage des bois communaux fut réservé aux habitant de PUSEY, de Gabeuret, de Bas de Crotte et du Grand Chanois (4).
Ce même registre nous donne des renseignements intéressants quant à l'usage et à la gestion de nos bois.
C'est ainsi que le 26 pluviôse an IX (14 février 1801), le Conseil décide de répartir les produits de la forêt conformément aux usages anciens en vigueur depuis des temps immémoriaux, c’est-à-dire à parts égales aussi bien pour les futaies que pour les taillis et les branchages ; malheureusement, cette délibération va à l'encontre d'un arrêté du représentant du peuple Saladin, qui répartit les futaies selon "le toisé'" (on dirait aujourd'hui le mètré) et l’étendue des maisons.
L'arrêté de Saladin s'imposera puisque trois ans plus tard une délibération confirme ce mode de répartition ; elle précise en outre que PUSEY compte 768 habitants et que le toisé des maisons est de 8672 toises (mesure de longueur égale à environ 1,95 m). Apparemment, on tenait compte de la longueur des maisons, non de leur surface.
En 1807 et 1808 notamment, le conseil municipal s'oppose à ce que les porcs soient mis à la glandée, estimant qu'il serait préférable de vendre les glands au profit de la commune.
Dans le même temps, il affirme que les bois sont en très bon état et qu'il n'y a ni semis ni plantations à y faire.
Il présente en 1816 une requête au Préfet tendant à exploiter le quart de réserve pour faire face aux dettes de guerre : logement des troupes alliées, denrées et marchandises fournies.
Si l'on ajoute que les troupes alliées (c’est-à-dire les armées étrangères ayant envahi la France après les défaites napoléoniennes) se sont généreusement servies, et divers autres avatars, il n'y a plus à s’étonner de ce que tout récemment plusieurs de nos coupes aient été considérées comme très pauvres et doivent être replantées.
F.V. 2ème semestre 1984
BM n°18