Le coq du village
Récit de Bernard Pinot 2022
Le coq du clocher de Pusey, victime des intempéries, a pris les rides de son grand âge. Il a résisté stoïquement au coup de canon qui, le 16 juin 1940, jour de l’occupation allemande, a écorné l’église. Et voilà qu’un méchant coup de vent lui a brisé la crête ; son remplacement s’impose. Le nouveau coq est prêt à l’emploi.
Au fait, pourquoi un coq sur le clocher ?
J’ai mené ma petite enquête ; pour découvrir que cet animal a une relation particulière avec l’homme.
L’attention portée à ce gallinacé remonte aux temps mythologiques. Les Grecs en faisaient le symbole du courage militaire. Les Romains le sacrifiaient pour s’attirer les bonnes grâces de Mars, le dieu de la guerre. Il est célébré dans certaines cultures asiatiques et signalé dans l’islam.
Son panache, son caractère fougueux, combatif, sont à la base de son succès.
Les légionnaires de César narguaient nos ancêtres les Gaulois en jouant sur le mot « gallus » qui peut se traduire par gaulois ou gallinacé. Là pourrait être l’origine de l’importance qu’il a prise dans notre patrimoine.
« Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois » ; par ces paroles de Jésus à Pierre, le coq entrait dans le Nouveau Testament. Son chant matinal annonce le retour de la lumière et la sortie des ténèbres. Il devient l’emblème de la résurrection du Christ. Du fait d’une décision papale du neuvième siècle, chaque église doit se placer sous la vigilance d’un coq-girouette sur le clocher. Ce coq haut placé devient un amer, un repère pour les paroissiens qui travaillent dans les champs et les voyageurs qui rentrent au bercail ; il fut longtemps la référence atmosphérique des vieux paysans qui préjugeaient du temps à venir en observant la direction vers laquelle il se tournait.
Mais le coq est également révéré comme symbole de la France laïque. Les Révolutionnaires étaient sensibles à son côté batailleur, courageux. Napoléon lui préféra l’aigle réputé plus fort, plus conquérant. La III° République lui a rendu son lustre comme en atteste le coq de la grille de l’Élysée ; il a précédé Marianne sur les timbres-poste et figuré sur des pièces de monnaie. La Franc-maçonnerie l’a retenu comme symbole de la lumière. Jean Rostand lui vouait un culte en écrivant : « Je chante pour mon vallon, en souhaitant que dans chaque vallon un coq en fasse autant ».
Identitaire, culturel, religieux et aussi courageux, un tantinet macho voire chaud lapin – ses performances dans le poulailler font rêver certains -, le coq a envahi les stades. Il fait trembler la Rose, le Trèfle, le Poireau, le Chardon et autres adversaires teigneux dans les matchs de rugby. Nos footballeurs, handballeurs, basketteurs, volleyeurs, nos athlètes portent crânement ce joyeux gallinacé au sommet de la cimaise.
Le coq est aussi devenu un symbole de la ruralité. Parce qu’ils chantaient trop fort et trop tôt pour certains nouveaux venus dans leur village, « Marcel » et « Maurice » ont défié la chronique. Avec les cloches qui scandent la vie paroissiale, ces deux héros ont levé haut et fier l’étendard de la résistance aux vitupérations de certains rurbains qui n’ont pas encore assimilé les subtilités de la vie dans la campagne profonde…
Notre coq à nous, donc, fait peau neuve. Comme avec son prédécesseur, j’aurai avec lui une relation particulière : dès que j’ouvre mes volets, j’ai le clocher dans mon champ de vision, plein cadre. Je vis dans son ombre portée. À l’instar de mes ancêtres, je me fie au coq pour juger de la nature du vent et, le cas échéant, organiser ma journée en fonction du message atmosphérique qu’il me transmet.
Bienvenue au nouveau !